De cette petite pétasse ⎸ Du 4e hiver

    Coucou toi,

Aujourd'hui je m'adresse à toi, petite pétasse, petit moi de 15 ans. C'est assez surprenant de te parler, j'ai l'impression de parler à un mur, tu n'écoutes que toi à vrai dire. Les autres tu t'en fiches, tu les méprises pour cacher que tu en as peur.

   Alors tu te maquilles, beaucoup trop, des couches de fond de teint, de poudre, et de couleurs fades en tout genre. Tu n'as pas de vrais gouts, tu t'habilles sans aucune classe, te maquilles sans légèreté. Tu es lourde, agressive. Tu ne respectes personnes, tu es agressive. Tu aimes cette fille, celle de l'internat, que tu idolâtres. Tu l'aimes plus que tout. Les autres tu t'en moques. Comme elle se moque de toi. Elle te prend pour sa pote. Tu la prends pour le sens de toute ta petite et misérable vie. Tu prends les autres de haut. Tu ne travailles pas assez au lycée. Tu méprises ta coloc de l'internat. Tu uses de l'internat pour fuir tes parents.

   Tu es effrayée par les autres, qui t'ont rejetée pendant 3 années, alors tu les rejettes à ton tour. Agresser pour ne pas être agressée, c'est simple, facile, chirurgical. Ton père est malade. Dans ta tête, tu te protèges en te disant qu'il est mort. C'est complexe, mais compréhensible. Tu superficielle, insupportable, tu caches que tu es malade, tu sors petit à petit de ce long déni.

   C'est le quatrième hiver de cohabitation avec l'anorexie. Le premier avec la dépression. Une longue cohabitation dans un si petit corps de petite pétasse.

   Tu vas grandir, tu vas changer, ton père guérira, tu auras même le droit de lui rendre visite, une fois,   après plus de 6 semaines de procédures, dans ce mouroir que l'on appelle de façon si politiquement correcte les soins intensifs. Ce lieu glauque, empestant la mort, le vomi, les angoisses. Il en sortira, vivant par dessus le marché. En vacances en Normandie, tu retrouveras ta vie d'avant. Loin du maquillage avec lequel tu t'abimes constamment sur le visage, loin de ces vêtements laids, impersonnels et déplaisants. Tu reprendras le travail aussi. Tes parents seront fiers. Cette fille continuera à ne pas satisfaire ton manque.

   Tout ira bien. Tu survivra à un quatrième hiver. Même à un cinquième. Tu espères même que le sixième sera le dernier.



 

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